ÉLARGIR L'AIDE MÉDICALE À MOURIR - QU'EN EST-IL VRAIMENT?

Sujet sensible et délicat s'il en est un. Nous assistons cependant, à mon humble avis, à un profond dérapage avec ce projet de loi visant à élargir l'aide médicale à mourir. Il s'agit bien sûr d'un sujet complexe, avec plusieurs facteurs à considérer, mais qui demande peut-être que chacun s'arrête un instant pour mieux percevoir ce qu'il en est, car nous sommes en train de basculer vers un non-sens, tant sur le plan médical que sur le plan humain.

C'est une question de valeurs. Où place-t-on justement la mort dans nos valeurs collectives? La place-t-on dans une boîte sur laquelle chacun écrit l'heure et le jour de son décès ou la considère-t-on comme faisant partie d'un cycle naturel? Et où place-t-on la vie et la vieillesse dans nos valeurs collectives? 

À trop vouloir contrôler l'heure et le jour, ceci ne cacherait-il pas une certaine peur de la mort? Ne devrait-on pas plutôt tenter d'apprivoiser cette peur, au lieu de chercher des moyens de l'éradiquer? N'est-on pas en train de nuire à un processus où la vie se trouve derrière une apparente noirceur?

Bientôt, il sera aussi question des enfants et des gens atteints de troubles mentaux. On cherche ainsi à rationaliser la mort et même à en faire un traitement, comme l'on traite différentes maladies ou infections, soit par des médicaments ou la chirurgie. C'est la mentalité scientifique qui ne sait plus comment agir et qui cherche désespérément un remède à la souffrance, faute d'une réelle approche globale visant un meilleur accompagnement.

Qui plus est, on cherche aussi à faire des médecins les exécuteurs de ce traitement qui, dans le cas d'un consentement anticipé1, ne viserait qu'à appliquer la volonté d'une personne de mettre un terme à sa vie. Faudrait donc alors utiliser les bons termes, et cesser de maquiller les choses et de prétendre qu'il est question de dignité humaine et de soins de vie. Il s'agit, en fait, d'un suicide assisté. 

Quel message cela envoie-t-il à nos aînés? N'est-on pas en train de leur dire: "Ne vous en faîtes pas, si vous perdez votre autonomie pour des raisons de santé, nous avons un traitement pour vous." Nous sommes donc en train de marginaliser encore plus les personnes âgées en leur indiquant une porte de sortie, et ce dès qu'ils seront considérés comme étant moins utiles à la société.

Et à nos jeunes, quelle perception auront-ils de la vieillesse et des personnes âgées? Sommes-nous en train de leur montrer que pour cesser toute souffrance, une seule injection suffit? Est-ce le lègue que l'on veut laisser aux prochaines générations?

On peut aussi se demander combien d'argent la mise en application de cette loi fera-t-elle économiser aux gouvernements. Plus de gens écourteront leur vie, et plus de lits seront libérés dans les hôpitaux et les CHSLD. Un des objectifs cachés serait-il un certain décongestionnement du réseau de la santé, afin d'en diminuer les coûts et de pallier à la pénurie de main d'oeuvre? Dans un contexte de population vieillissante, est-ce la solution que les gouvernements ont trouvée pour alléger le fardeau du système de santé? Irait-on jusque-là?

Martin Moisan, M.D.
Kanesatake Health Center
12, Joseph Swan
Kanesatake (Québec)
J0N-1E0

1. Décision d'une personne de préprogrammer sa mort, alors qu'elle est apte à prendre cette décision, advenant par exemple un diagnostic de démence comme la maladie d'Alzheimer.

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Autre article sur le sujet:

- Place à l'année du suicide assisté, Journal de Montréal, 7 janvier 2023,
https://www.journaldemontreal.com/2023/01/07/place-a-lannee-du-suicide-assiste
Auteur: Emmmanuelle Latraverse